La danse n’est pas seulement un moyen
d’expression de la personnalité, mais aussi un moyen
de la former. Cette étude est consacrée au problème
de l’influence de la culture de la danse sur la formation
d’une personnalité, plus précisément,
de son schéma corporel.
la figure d’une danseuse orientale
et d’une danseuse classique
Nous avons comparé l’influence de
deux traditions de danse très différentes : la danse
classique et la danse orientale, dite souvent « danse du
ventre ». Ce sont deux phénomènes contraires,
l’un est né dans le cadre de la culture européenne
traditionnelle, l’autre dans la culture orientale traditionnelle.
Elles se distinguent non seulement par leurs bases de mouvements,
mais aussi par leur approche à la chair comme telle.
Le ballet classique est un enfant de la culture
européenne et dans son approche à la chair il est
imprégné de la philosophie et de la religion du
Moyen Age avec leur négation du corps et avec leur désir
de se hisser au-dessus de la chair mortelle. Ces tendances sont
reflétées dans la tradition de la danse : la danseuse
classique est pratiquement tout le temps sur les pointes ou les
demi-pointes, en réduisant ainsi le contact avec le sol,
etc.
De plus, le corps lui-même est perçu
comme un objet, mais non pas comme un sujet : ses besoins et ses
particularités ne sont pas respectés, beaucoup de
mouvements sont exercés comme à contre corps, malgré
la douleur physique. Chez les danseuses classiques les pieds sont
souvent usés au point de causer de la douleur, le traumatisme
n’est pas rare… Dans ce milieu on dit souvent : «si
après tes exercices tu n’as rien qui te fait mal,
tu n’as pas bien travaillé !». Le corps sert
d’instrument, et il se venge : les danseurs quittent la
scène tôt, chez beaucoup d’entre eux le comportement
nutritif est désorganisé, des maladies qui sont
causées par des efforts excessifs constants, par des traumatismes
et par des régimes, surviennent.
La danse orientale est imprégnée
par la culture de l’Orient. C’est une approche toute
différente et subjective à la chair : le corps est
respecté et accepté. On n’essaie pas de l’estimer
en fonction des standards de l’apparence ou de l’âge.
Chaque femme peut danser et danser bien et peut être désirée
en dehors de son âge ou de son physique. La danseuse accepte
plus son corps et elle-même.
Les mouvements de la danse orientale, ce sont souvent
des mouvements sexuels naturels, ce qui explique son grand pouvoir
d’exciter les désirs, qui ne dépend pas de
l’apparence de la danseuse, parce que ça fait appel
à la partie profonde de la psychique d’un homme.
Cet aspect aide une femme à retrouver le contact avec sa
sexualité.
Nous avons alors supposé que chez les femmes
qui sont nourries de deux cultures de la danse si différentes
(deux cultures de la chair aussi), les images inconscientes corporelles
(appelées autrement les schémas corporels) étaient
également différentes. L’hypothèse
de cette étude est énoncée comme l’influence
de la culture de danse sur la formation du schéma corporel.
Trente femmes ont participé à notre
enquête : dix parmi elles font de la danse classique, dix
font de la danse orientale et encore dix ont constitué
le groupe de contrôle. Nous avouons le défaut de
la petite échelle de cette enquête, mais nous n’avons
pas présumé cette étude comme étant
décisive, elle a été la première à
commencer une série.
Il faut également préciser que les
femmes qui ont participé dans cette enquête s’identifient
à la culture russe, on ne parle donc pas de l’influence
de la culture des pays différents sur le schéma
corporel, mais de l’influence de la culture de la danse.
En ce qui concerne l’âge des participantes,
les danseuses classiques appartenaient au groupe de 17-20 ans,
les femmes qui pratiquent la danse orientale étaient plus
âgées (32-48 ans). Le group de contrôle a dû
niveler la différence de l’âge dans les deux
premiers groupes pour que notre enquête reflète quand
même l’influence de la culture de la danse et non
pas la spécificité de catégories de l’âge.
Ce groupe de contrôle a été composé
des femmes des différentes catégories d’âge.
Nous avons pris une méthode développée
par Moshe
Feldencrais comme base de notre étude. Cette méthode
sert à démontrer l’image corporelle inconsciente
et consiste en éléments suivants : une personne
avec les yeux fermés montre les dimensions de son corps,
ces données sont mesurées, puis recopiés
sur un papier à échelle 10 : 1, un schéma
de figure humaine qui correspond à l’image corporelle
inconsciente est ainsi créé. Ces données
subissent l’analyse qualitative. Les mesures réelles
de cette personne sont également prises et comparées
à celles qui sont ressenties subjectivement, l’analyse
quantitative est alors effectuée.
L’étude a démontré la
tendance la plus importante de désaccord entre les schémas
masculins, féminins et androgynes (possédant des
caractéristiques des deux sexes en même temps) dans
chaque groupe. Dans le groupe des danseuses classiques il y a
eu trois schémas féminins, quatre schémas
masculins et trois androgynes. Dans le group de la danse orientale
il y a eu huit schémas féminins, zéro masculin
et deux androgynes. Dans le group de contrôle il y a eu
six schémas féminins, zéros masculins et
quatre androgynes.
Comme on peut le voir, les femmes qui ont le contact
le plus proche avec leur sexualité, ayants une identité
sexuelle la plus adéquate à leur sexe réel,
font de la danse orientale. Comme nous l’avons mentionné
auparavant, la danse orientale est sexualisée, orientée
vers l’établissement du contact avec sa sexualité,
avec sa femme intérieure, sur l’expression de sa
sexualité. A cette lumière les résultats
obtenus sont logiques.
En ce qui concerne la danse classique, les résultats
sont plutôt étonnants : chez la plupart des filles
assez subtiles le schéma corporel a été relevé
comme masculin, les images féminines et androgynes ont
été égales. Ça peut être expliqué
par l’idéal d’une femme qui a subi des transformations
importantes depuis le début du siècle dernier. Si
à l’aube du XXéme siècle les danseuses
étaient plutôt « rondes », de nos jours
elles sont soit asthéniques, soit athlétiques. Serait-ce
que les danseuses choisissent inconsciemment l’idéal
corporel « plat », diminuant ainsi leur féminité
?
Ou bien ça ne dépend pas des directives
psychologiques, mais de la spécificité de la chair
« classique » avec ses mouvements et son maintien
: chez les danseuses classiques le bassin est très tendu
depuis l’enfance, ce qui provoque un blocage pelvien provoquant
à son tour des problèmes dans la sphère et
l’identification sexuelles.
On peut encore supposer que cette « masculinisation
» résulte du régime de la vie, assez dur depuis
l’enfance. Il faut avoir beaucoup volonté et de courage
pour endurer touts les efforts physiques et psychologiques. A
ce moment, le développement de ces qualités est
probablement sollicité.
Nous pouvons faire plusieurs suppositions qui ne
s’excluent pas. En ce qui concerne le groupe de contrôle,
il est situé au milieu d’un continu sur les bouts
duquel les danseuses de différentes cultures de la danse
sont placées. Il y a plus de schémas androgynes
et moins de féminins par rapport au groupe « oriental
», mais il n’y a quand même pas de schémas
masculins.
Nous pouvons ainsi dire que la culture de la danse
bénéficie de l’influence importante sur l’image
corporelle de soi et sur la personnalité dans son intégrité.
Les résultats de l’analyse quantitative (les distorsions
du schéma corporel de soi) peuvent être classés
dans quatre groupes :
1. Les distorsions
approximativement égales dans touts les groupes.
La seule différence importante démontrée
par notre étude résidait dans les dimensions de
la cage thoracique (20 % en moyenne dans chaque group). Dans
le langage symbolique la cage thoracique représente le
dépôt d’émotions et de sentiments,
mais aussi de l’énergie vitale. Les résultats
se ressemblent dans touts les trois groupes, ici nous pouvons
dire que la culture de la danse ne joue pas de rôle important
dans cette problématique, des facteurs étrangers
non mentionnés dans cette étude jouent un rôle.
2. Les distorsions
propres aux danseuses en général. Elles
ne sont pas liées à une culture de danse concrète,
mais sont probablement spécifiques chez les danseuses
professionnelles. C’est la distorsion de la longueur du
pied (55 et 56 % chez les danseuses et 15 % chez le groupe de
contrôle, ce qui constitue une différence assez
importante), la distorsion de la longueur de jambe (8 et 10,5
% chez les danseuses et 0,4% chez le group de contrôle).
On peut expliquer ça par l’importance particulière
des jambes pour les danseuses (c’est l’instrument
principal de leur activité, si on peut le dire) ou par
le fait de vouloir posséder des jambes longues, naturel
pour une danseuse ; tout aussi par la spécificité
des mouvements de danse (même les danseuses orientales
dansent parfois sur les demi-pointes) et par le désir
d’être féminine, parce qu’un petit
pied et une longue jambe sont attribués à la beauté
féminine. Et c’est malgré le schéma
corporel plutôt masculin ou androgyne chez les danseuses
classiques, ce qui n’empêche pas ou même stimule
le désir d’être vraiment féminine,
etc...
L’image des bras subit moins de distorsions
chez les danseuses que chez les femmes « simples »,
peut-être parce qu’on accorde une grande importance
aux bras comme au moyen de l’expression dans les deux
danses. Alors, les danseuses ressentent mieux cette partie du
corps que le groupe de contrôle.
En ce qui concerne la largeur du cou qui est
ressentie plus juste par les deux premiers groups que par le
group de contrôle, on peut donner une explication suivante.
La distorsion de la largeur du cou signifie souvent le blocage
d’émotions, l’impossibilité de leur
expression au niveau verbal, l’impossibilité de
les réaliser. Et les danseuses ont une possibilité
d’exprimer leurs émotions par leur corps, même
celles qui ne sont pas réalisées.
3. Les distorsions
propres aux danseuses classiques. Le schéma corporel
est en général moins juste, en moyenne, les distorsions
font 28 %, tandis que chez les danseuses orientales on a 19,8%
et chez le groupe de contrôle on a 17,3%. C’est
peut-être lié à cette approche au corps
dans la culture de la danse classique, dont on a déjà
parlé. Les distorsions suivantes ont été
relevées : la largeur de la tête (37%, dans les
autres groups en moyen 20%), largeur de la bouche (31%, chez
les restes 14 et 15 %), la largeur des épaules et la
longueur du cou (70%!). Si on y procède par l’ordre,
la largeur de la tête signifie non pas les capacités
intellectuelles mais une perception de sa sphère mentale
et de son importance. Nous le soulignons, il ne s’agit
pas de capacités intellectuelles ! La distorsion de la
largeur de la bouche reflète une quantité importante
de « non exprimé », « bloqué
», laissé à l’intérieur, de
l’agression verbale et d’impulsions orales. Il faut
peut-être chercher un indice dans l’impossibilité
d’exprimer l’agression stockée dans le corps
ou dans la nécessité de réduire son alimentation…
La largeur des épaules. Nous avons déjà
parlé de la nécessité d’actualiser
ses qualités masculines chez les danseuses classiques,
ce qui peut nous aider à comprendre cette distorsion.
La longueur du cou subie une distorsion très forte. Selon
la symbolique corporelle, cette distorsion peut venir de blocage
des émotions et de l’impossibilité de les
réaliser. Le cou long augmente la distance entre les
émotions, les sentiments, les peurs, les désirs
stockés dans le torse et entre la tête. Ces résultats
sont cohérents avec les métaphores corporelles
dans le ballet classique : la danseuse doit avoir un maintien
tendu et bloqué.
4. Distorsions
propres aux danseuses orientales. La taille est perçue
moins juste - 41,5%, (dans les autres groupes deux fois moins)
et le bassin, la hauteur de la tête, du cou, de la cage
thoracique, et la largeur de la cuisse soins les plus justes
parmi les trois groupes. Comme on peut le voir, ce n’est
que la taille qui subit une distorsion importante – les
danseuses orientales ont tendance à la diminuer. Il est
probable qu’elles soulignent ainsi leur féminité,
ce group a montré le plus de schémas féminins.
C’est aussi la spécificité de la danse qui
fait qu’on utilise beaucoup toutes les parties du corps
qui sont liées à la sexualité, la taille
y comprise. La perception inconsciente de son corps a été
la plus juste parmi les trois groups, ce qui nous permet de
tirer comme conclusion que la danse orientale aide les femmes
à retrouver le contact avec leur corps, avec leur sexualité,
avec leur féminité ; elle améliore la compréhension
de son corps, diminue la quantité des distorsions du
schéma corporel inconscient, de la conception de soi
intégrale.
Nous pouvons alors dire que la culture de la danse
a de l’influence sur l’image corporelle de soi et
sur ses distorsions, aussi bien quantitative que qualitative,
ce qui nous prouve encore une fois un lien très rapproché
entre la sphère psychique et la sphère charnelle.
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